présentation orale ACAPS 2019
La cinématique humaine : une caractéristique essentielle du lien action- langage
Beauprez Sophie-Anne, Blandin Yannick & Bidet-Ildei Christel
Introduction
De nombreux travaux ont montré qu’il existait un lien entre action et traitement du langage (voir Fischer & Zwaan, 2008 pour une revue). De manière remarquable ce lien serait somatotopique (Hauk, Johnsrude, & Pulvermuller, 2004) et impliquerait l’activation de représentations sensori-motrices communes aux deux activités (Bidet-Ildei & Toussaint, 2015). Afin de mieux caractériser cette relation, nous nous sommes intéressés au rôle de la cinématique du geste.
Méthode et résultats
Pour cela, nous avons proposé à des participants d’effectuer une tâche de décision sémantique sur des verbes après avoir vu en amorce une séquence animée représentant une action. Plus spécifiquement, il était demandé aux participants de décider si un verbe était un verbe d’action (c’est à dire impliquant directement une action du corps comme par exemple courir) ou non (verbe d’état comme par exemple savoir). Lorsqu’un verbe d’action était présenté, il pouvait être soit congruent (courir) soit incongruent (sauter) avec l’action présentée en amorce (une séquence animée représentant un mouvement de course dans cet exemple). Grâce au logiciel PLAViMoP (Decatoire et al., 2018) nous avons proposé un mouvement biologique (dynamique réelle de production) ou non biologique (c’est-à-dire avec une dynamique maintenue constante ou inversée par rapport à la dynamique biologique). Les résultats révèlent une interaction entre la situation proposée (congruente vs incongruente) et la condition (biologique, constante, inversée, F(2,58)=4.23 ; p=.02). Un lien action-langage se caractérisant par des temps de réaction plus courts en situations congruentes apparaît suite à la présentation d'une amorce avec dynamique biologique (TR congruent : 569 ms ± 77 ms ; TR incongruent : 618 ms ± 93 ms) et constante (TR congruent : 615 ms ± 103 ms ; TR incongruent : 654 ms ± 113 ms) alors que ce lien ne se manifeste pas lorsque la dynamique du geste est inversée (TR congruent :626 ms ± 93 ms ; TR incongruent : 648 ms ± 83 ms). De manière intéressante, une deuxième expérience menée avec le même paradigme nous a permis de répliquer ces premiers résultats et de montrer que l’effet était somatotopique, dans le sens où la disparition du lien action-langage en situation où l’amorce a une cinématique inversée est retrouvée lorsqu’une partie importante de l’action a été modifiée (par exemple, les articulations du bas du corps pour « sauter », TR congruent : 693 ms ± 154 ms ; TR incongruent : 698 ms ± 132 ms) mais pas lorsqu’une partie non cruciale de l’action a été modifiée (par exemple, les articulations du haut du corps pour « sauter », TR congruent : 630 ms ± 139 ms ; TR incongruent : 696 ms ± 161 ms).
Conclusion
Ces deux expériences montrent donc que la cinématique de l’action a un rôle crucial dans l’activation des représentations sensori-motrices à l’origine du lien action-langage et que cet effet est somatotopique.
Bibliographie
Bidet-Ildei, C., & Toussaint, L. (2015). Are judgments for action verbs and point-light human actions equivalent? Cognitive Processing, 16(1), 57‑67. https://doi.org/10.1007/s10339-014-0634-0
Decatoire, A., Beauprez, S.-A., Pylouster, J., Lacouture, P., Blandin, Y., & Bidet-Ildei, C. (2018). PLAViMoP: How to standardize and simplify the use of point-light displays. Behavior Research Methods. https://doi.org/10.3758/s13428-018-1112-x
Fischer, M. H., & Zwaan, R. A. (2008). Embodied language: a review of the role of the motor system in language comprehension. Quarterly Journal of Experimental Psychology (Colchester), 61(6), 825‑850. (18470815).
Hauk, O., Johnsrude, I., & Pulvermuller, F. (2004). Somatotopic representation of action words in human motor and premotor cortex. Neuron, 41(2), 301‑307. (14741110).